28
Avr
2017
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Terrorisme, l’usine à gaz du renseignement français devrait être simplifié!

Il est de bon ton, dans les milieux officiels, de se féliciter de l’évolution récente de la politique du renseignement en France, avec le vote de la loi de juillet 2015, le renforcement des moyens, les recrutements, l’expérience. Mais le système français demeure une usine à gaz, avec des multiples services qui se marchent parfois sur les pieds et une coordination toujours défaillante, comme je l’ai souligné dans mon livre « Erreurs fatales »…

La loi sur le renseignement du 24 juillet 2015 encadre les activités de renseignement en France. Elle définit les missions des services (sécurité nationale, lutte contre le terrorisme, etc) et autorise des techniques de surveillance avec l’aval d’une commission de contrôle dédiée. Mais cette loi n’a pas réduit l’usine à gaz du nombre de services qui se marchent sur les pieds, ni organisé une meilleure coordination du renseignement. Officiellement, depuis 2008, il existe à l’Elysée un « coordonnateur national du renseignement ».En réalité, ce coordonnateur (poste qui a changé 4 fois de titulaire en 5 ans) n’a aucun pouvoir hiérarchique sur les services qui continuent de se faire la guerre. Résultat : de nombreux ratés dans le suivi des djihadistes partis à l’étranger ou dans la surveillance des fichés « S ».

Dénoncée à de multiples reprises dans des rapports officiels, l’absence de pilotage est aggravé par la multiplication de structures dites de coordination, notamment l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) qui réunit les services sous la houlette de la police nationale, et l’Etat-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), créé en 2015 et rattaché au cabinet du ministre de l’Intérieur.

De plus, le renseignement de terrain reste le parent pauvre de ce système émietté. La réforme de 2008 qui avait conduit à la création de la Direction centrale du renseignement intérieur (ancêtre de la DGSI), avait laissé de côté une partie des ex-agents des Renseignements généraux, regroupés sans grands moyens au sein d’une Sous-direction de l’information générale, finalement rebaptisée en 2014 Service central de renseignement territorial (SCRT) avec des embauches à la clé. Mécontente d’être tenue à l’écart de ces réformes, la gendarmerie nationale avait elle-même créé son propre service de renseignement…

Depuis, quelques passerelles ont été installées entre les services pour traquer ensemble les filières terroristes. Mais le pilotage demeure lacunaire, comme l’avait souligné en juillet 2016 la commission d’enquête parlementaire sur les attentats.

Parmi les deux candidats finalistes (voir leurs programme respectif ci dessous), Marine Le Pen suggère de créer une agence unique de lutte antiterroriste rattachée à Matignon (proposition déjà émise l’an dernier par les députés, retoquée par le gouvernement), tandis qu’Emmanuel Macron entend créer une cellule spéciale de renseignement anti-Daech auprès du président et un état-major des opérations antiterroristes. Quelle que soit la solution, une simplification et une meilleure coordination s’impose !

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(ci dessus, programme des 2 finalistes)

Pour info, voici comment est organisé le système de renseignement en France:

Le premier cercle de la Communauté française du renseignement est composé de plus de 13 000 agents dispersés entre

1/Le Ministère de la Défense qui a la tutelle de la

Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE plus de 6000 agents) chargée de la collecte du renseignement à l’étranger, du renseignement technique et des opérations clandestines à l’étranger.

Direction du renseignement militaire (DRM, 1800 agents), chargé de la collecte et du traitement de renseignements d’intérêt militaire pour l’état-major des armées.

Direction du renseignement et de la sécurité de défense (DRSD, 1100 agents), chargé de la protection du personnel du ministère et des sites sensibles.

2/Le Ministère de l’Intérieur qui a la tutelle de

Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, 3500 agents), nouveau nom (depuis 2014) de la Direction centrale du renseignement intérieur, qui a notamment la haute main sur la surveillance du terrorisme sur le territoire national et pilote une cellule commune à plusieurs services sur le terrorisme (cellule Allât).

3/Le Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget, qui a la tutelle de

La Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED, 700 agents), chargée principalement de lutte contre la contrefaçon, le trafic de stupéfiants et autres trafics de contrebande.

Tracfin, l’organisme chargé de surveiller les flux financiers suspects.

 

Mais d’autres services de renseignement s’ajoutent à ce premier cercle, parfois en concurrence avec les premiers.

Au ministère de l’Intérieur, par exemple, le renseignement de terrain est sous la responsabilité du Service central du renseignement territorial (SCRT), la Préfecture de police de Paris dispose de sa propre direction du Renseignement (DRPP), tout comme la gendarmerie nationale avec sa Sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO).

Le ministère de la Justice vient de créer un Bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP)

Pour coordonner l’ensemble,

-Le président de la République dispose officiellement d’un Coordonnateur national du renseignement et d’un Conseil national du renseignement. Le président réunit régulièrement aussi les ministres et responsables lors de Conseils de défense ou de Conseil de sécurité intérieure.

le Premier ministre peut s’appuyer sur les équipes du Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN) (en lien avec tous les services)

le ministre de l’Intérieur a sous sa tutelle l’Unité de coordination de lutte antiterroriste (UCLAT) (qui réunit tous les services sous la responsabilité de la Direction générale de la police nationale), et pilote directement l’Etat-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT).

-L’état-major des armées dispose, au sein de son Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de la cellule Hermès, commune à sept services, qui travaille sur les filières djihadistes.

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(ci-dessus traque des djihadistes français, image d’illustration)

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