Rencontre avec Anne Poiret, réalisatrice du film « Les enfants de Daech »
Les 27 et 28 novembre, j’ai vécu des moments forts à Uzès à la Librairie de la place aux herbes, puis au lycée Charles Gide avec des lycéens de terminale, puisque j’ai pu animer et accompagner Anne Poiret pour des rencontres très riches sur son métier et son dernier livre, une BD sur un ancien soldat de Daech.
Formée à Paris, puis à New York, Anne Poiret a débuté sa carrière de journaliste auprès de plusieurs rédactions, comme C dans l’air, Envoyé Spécial, Arte reportages, Le Monde en face. En 2007 elle reçoît, avec ses collègues Gwenlaouen Le Guouil et Fabrice Launay, le prestigieux prix Albert Londres, pour « Muttur, un crime contre l’humanitaire », massacre de 17 travailleurs de l’ONG Action contre la faim, au Sri Lanka, qui a eu lieu le 4 août 2006.
En 2011, elle documente, avec Florence Martin-Kessler « la fabrique d’un État » (Arte), en l’occurrence le Soudan du Sud, après une guerre civile, en suivant Lisa Grande, représentante de l’ONU et Riek Machar, vice président de ce nouveau pays. Puis, elle s’intéresse à un autre crime oublié : le génocide des peuples Hereros et des Namas en Namibie au début du XXème siècle, commis dans ce qui était une colonie allemande. Elle enchaîne ensuite films engagés, sur les épidémies, sur les réfugiés, sur le Cachemire, sur la Libye, sur la Syrie, et en 2018 film choc qui s’intitule « Mon pays fabrique des armes », où elle raconte en détail comment la France est devenue l’un des premiers exportateurs au monde de vente d’armes et l’omerta que cela implique, notamment avec certains pays comme l’Arabie Saoudite et l’Egypte.
En 2019, Anne Poiret réalise d’abord un premier documentaire sur Mossoul, grande ville d’Irak, tombée entre les mains de Daech et libérée en 2017. Avant d’entreprendre son documentaire phare « Enfants de Daech, les damnés de la guerre », pour France 5 diffusé en 2021. Ce film, impressionnant, raconte le destin tragique de d’enfants de Daech, d’anciens jeunes recrues abandonnés à leur propre sort, sans papiers légaux. Ce film est poignant aussi sur le sort des jeunes femmes, enrôlées comme esclaves, et qui doivent abandonner leurs enfants nés de combattants, car les yézidis n’en veulent plus.
Ce documentaire, diffusé en mai 2021 sur France 5, est par le prix du public du Figra 2022, et au plan international avec le prix du meilleur documentaire des International Emmy Awards le 21 novembre 2022 à New York.
C’est dans ce cadre qu’elle rencontre un jeune Yezidi enrôlé de force à 10 ans dans les rangs de Daech, appelé Mahar, dont l’histoire incroyable est racontée dans une BD « Mahar le Lionceau », cosignée en 2024 chez Delcourt, avec le dessinateur danois Lors Horneman.
Anne Poiret a une expérience inégalée des pays en guerre, et surtout des « après-guerre », sujets auxquels elle se consacre via sa société de production After War. Les après-guerre sont souvent moins traités dans les médias que les guerres elles-mêmes, alors qu’elles sont parfois plus dangereuses. Ce sont autant de témoignages et de constats sur la résilience, la mémoire, les disparus, la justice, les reconstructions, les exilés et les destins d’anciens soldats.