Quand Marine Le Pen vantait sa « loyauté » à l’égard de la Russie de Poutine…
Les positions pro-russes de Marine Le Pen, tout comme son « admiration » affichée pour son leader Vladimir Poutine ne datent pas d’hier. Une vidéo un peu oubliée en atteste. La scène se situe le 20 juin 2013, lors de la première visite de la présidente du Front national à Moscou. Elle est reçue à bras ouverts, au Kremlin par Dimitri Rogozine, vice-président du gouvernement chargé de la Défense, et à la Douma notamment par Sergeï Narychkine, ancien bras droit de Poutine et futur patron des services secrets SVR. Elle prononce également un discours au MGIMO, l’institut d’Etat des relations internationales de l’Université de Moscou, avant de répondre à des questions des étudiants.
Cette conférence-débat au MGIMO est bien évoquée sur le site du RN, mais sans la vidéo correspondante, très instructive, de plus d’une heure. Nous l’avons retrouvée (voir ci-dessous l’intégralité de la vidéo) Marine Le Pen y détaille ses points de vue. Elle explique ses positions contre l’OTAN et contre l’Union européenne, cette dernière étant considérée par elle comme « totalitaire », au point qu’elle la surnomme « l’Union soviétique européenne ».
Elle prend ensuite la défense de la Russie en ces termes :
(30’13) « Je suis convaincue que si la Russie est aujourd’hui un peu victime d’une sorte de guerre froide de la part de l’Union européenne, […] c’est parce que c’est vrai que l’Union européenne s’est mise dans la sphère d’influence des Etats-Unis. Et que L’Europe et la France n’a plus cette liberté, cette voix particulière qui était la sienne. Mais c’est aussi, je le crois, parce que la Russie veut défendre sa liberté et sa souveraineté qu’elle ne veut pas se soumettre justement à des ordres venus de tel ou tel coin du monde. Et çà, quelque part, ça dérange. »
Marine Le Pen se prononce alors clairement en faveur d’un rapprochement stratégique avec la Russie, qui partagerait avec la France des « valeurs » et une « même vision de l’homme » :
(31’40) : « Je veux à tous prix que la France soit capable de recréer des liens extrêmement forts avec la Russie. C’est notre histoire commune, c’est les liens que nous avons créés dans l’histoire. Mais c’est aussi notre intérêt. C’est votre intérêt et c’est notre intérêt. Nous avons des intérêts stratégiques communs. Nous avons des valeurs communes. Nous avons la même vision de l’homme. Nous avons des racines chrétiennes communes. Et ceci devrait tout à fait naturellement nous pousser à avoir des relations bien plus proches que celles que nous avons aujourd’hui. »
Rappelons qu’à cette époque, le régime de Poutine a déjà écrasé la Tchétchènie, fait assassiner la journaliste Anna Politivoskaïa, mené une guerre meurtrière en Georgie, poursuivi ses opposants et restreint la liberté d’expression…
Mais peu importe : aux yeux de la présidente du Front national, la Russie est une « nation européenne » qu’elle souhaite intégrer dans son futur projet: « Je voudrais, dans l’Europe dont je rêve, cette Europe débarrassée de l’Union européenne, qui soit une Europe des nations libres et souveraines, une Europe des coopérations, que cette Europe aille jusqu’à la Russie. »
A une question d’un étudiant franco-russe sur les raisons de son bon accueil à Moscou par le gouvernement et les autorités russes, Marine Le Pen répond en avouant sa « loyauté » à l’égard de la Russie de Poutine. Elle va même jusqu’à comparer la diabolisation dont la Russie serait victime à celle qu’elle endurerait elle-même en France, notamment lors de la récente campagne présidentielle de 2012 qui a vu la victoire de François Hollande. Voici cet extrait:
(38’30 à 42’06) « Pourquoi ai-je été reçue ? Peut-être parce j’ai fait preuve en France de loyauté à l’égard de la Russie et de courage, car il faut que vous soyez conscients qu’il y a une véritable œuvre de diabolisation de la Russie par les médias français. La Russie est présentée comme une terrible dictature, avec laquelle il ne faut surtout avoir aucun rapport. Et je serai d’ailleurs passée au grill en rentrant, je vous rassure, je serai passée à la question, comme au Moyen-âge, en rentrant en France par ces médias qui diabolisent la Russie au niveau mondial. Je connais bien cela car la Russie est diabolisée au niveau de l’Union européenne, comme le Front national est diabolisé en France par les mêmes médias. Beaucoup de mensonges proférés sur l’un sont aussi des mensonges proférés sur l’autre.
Ce n’est qu’un début, cette relation avec la Russie, j’espère les approfondir et j’espère notamment qu’au niveau des partis politiques, des relations plus proches pourront s’organiser […] Et je dis la même chose en France que ce je dis ici, cela fait de moi quelqu’un, dans la classe politique française, d’assez exceptionnel, car beaucoup de responsables politiques sont adeptes du double langage : ils viennent vous dire des choses agréables quand ils sont chez vous, mais quand ils sont rentrés en France, ils ne disent plus la même chose. J’ai été assez brutalisée notamment pendant la campagne présidentielle pour avoir défendu, il faut bien le dire, la Russie contre des accusations qui me paraissent injustes. C’est peut-être cela aussi qui fait que l’on m’a accueillie avec courtoisie. »
En adoptant cette posture, Marine Le Pen se place alors délibérément dans le même camp que la Russie de Poutine. Cet alignement, revendiqué, n’a pas varié les années suivantes, puisqu’elle a approuvé l’annexion de la Crimée par la Russie, critiqué les positions ukrainiennes, fustigé le régime des sanctions européennes, soutenu l’intervention militaire de la Russie aux côtés du dictateur syrien Bachar El-Assad et répété de nombreuses fois que la Russie avait été « maltraitée » au plan international.
Signe de ses bonnes relations avec Moscou : elle a obtenu en septembre 2014 un prêt de 9 millions d’euros de la part d’une banque russo-tchéque d’un proche de Poutine pour sa campagne présidentielle de 2017, avant de retourner plusieurs fois à Moscou et d’être reçue en grandes pompes par Vladimir Poutine au Kremlin le 24 mars 2017. La photo immortalisant la scène a été promptement retirée récemment de sa brochure de candidate RN pour la campagne de ces derniers mois.
Malgré sa récente condamnation de la guerre russe en Ukraine, elle a encore répété récemment son souhait de passer un jour une « alliance » avec la Russie, une fois la guerre terminée. Sa « loyauté » envers la Russie de Poutine demeure.