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Juin
2018
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Macron-Netanyahou: tensions au sommet

La visite de Benjamin Netanyahou à Paris le 5 juin n’a pas permis d’aplanir les divergences entre les deux pays. L’inauguration des « saisons croisées » France-israël, – 400 événements culturels et techniques encensant le meilleur des deux pays de juin à novembre 2018 – ne pouvait effacer les discordes croissantes entre Jérusalem et Paris sur des sujets qui fâchent: la statut de Jérusalem, l’accord sur le nucléaire iranien, les récents incidents à Gaza, l’absence de perspective de paix israélo-palestinienne.

Emmanuel Macron, président de la république et Benyamin Netanyahou, Premier ministre de l’Etat d’Israël, participent à l’inauguration de l’exposition « Israel@Lights » dans le cadre de l’ouverture des Saisons croisées France-Israël au Grand Palais à Paris, mardi 5 juin 2018 – 2018©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde

Venu principalement en Europe (Berlin, Paris, Londres) afin de rallier les trois capitales à ses positions dures contre l’Iran, le Premier ministre n’a pas convaincu ses interlocuteurs (Angela Merkel, Emmanuel Macron, Teresa May) d’abandonner complètement l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, déjà lâché par Trump et qu’Israël considère comme incapable de contenir la montée en puissance nucléaire de son ennemi régional. Les déclarations de Téhéran, prévoyant de rehausser l’activité de ces centrifugeuses tout en menaçant Israël, a conforté les positions de Netanyahou. Mais Emmanuel Macron, comme Merkel et May, sont restés sur leurs positions, selon lesquelles l’accord de 2015 est imparfait, mais qu’il constitue tout de même une base de travail avec les Iraniens, à compléter.

Le président français a aussi dénoncé, à nouveau, l‘usage « disproportionné » de la force par l’armée israélienne le long de la frontière avec la bande de Gaza ces dernières semaines qui a provoqué la mort de 61 Palestiniens le 14 mai, jour du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem « Quand on fête un tel événement et qu’il y a des gens qui meurent, je ne considère pas que ce soit une fête .

Entre Netanyahou et Macron, le dialogue est cordiale, mais franc et direct. Les divergences sont assumées. Le fossé se creuse sur nombre de sujets…

 

A l’occasion de cette visite, j’ai été sollicité par plusieurs médias pour livrer mon analyse et remettre les relations Macron-Netanyahou en perspective, en lien avec mon livre « Histoires secrètes, France-Israël, 1948-2018″, paru fin avril chez LLL.

Dans Libération, à lire ici, « pourquoi Macron a peu de leviers sur Netanyahou ».

Sur le site de France 24, à lire ici, « Les hauts et les bas d’une relation passionnelle »

Sur le site du Nouvel Obs, à lire ici, « Netanyahou a davantage envie de neutraliser la diplomatie française que de l’écouter »

Sur Europe 1, dans le débat de Frédéric Taddéi, à réécouter ici, « Les relations franco-israéliennes sont-elles à un tournant? »

Sur le site de Times of Israel, une interview détaillée sur le livre, à relire ici. « Vincent Nouzille dévoile les coulisses des liens entre Paris et Jérusalem »

Et sur le site de l’Express, une interview, à retrouver ici, sur le livre et l’actualité « France-Israël: une passion contrariée », et à lire ci-après.

France-Israël: une passion contrariée
Actualité Monde Proche et Moyen-Orient
Par Vincent Hugeux, publié le 05/06/2018 à 07:12

Emmanuel Macron reçoit Benyamin Netanyahu. L’essayiste Vincent Nouzille dévoile les dessous de l’idylle franco-israélienne.

Ce mardi, Emmanuel Macron reçoit à L’Elysée, en fin d’après-midi, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Avant d’inaugurer en sa compagnie, au Grand Palais, l’exposition « Israel@Lights », prologue aux « Saisons croisées » franco-israéliennes. Depuis sa naissance, voilà 70 ans, l’Etat hébreu entretient avec la France une relation intense, passionnelle et tourmentée. Relation que le journaliste et essayiste Vincent Nouzille explore dans Histoires secrètes, France-Israël 1948-2018, récemment paru aux éditions Les Liens qui libèrent. Un décryptage clair et rigoureux, nourri de nombreux documents inédits, exhumés des caves de l’Elysée et de Quai d’Orsay ou puisés dans les fonds d’archives israéliens et américains.

Que sait-on du regard que porte le président français sur Israël ?

Tout commence avec la visite qu’accomplit sur place Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, en septembre 2015. Laquelle visite s’inscrit alors dans le registre consensuel de l’excellence scientifique et technologique. Sa fascination pour le modèle israélien, que l’expo du Grand Palais contribue à mettre en valeur, ne s’est nullement émoussée depuis lors. Sur ce terrain-là, les échanges avec Benyamin Netanyahu sont riches et l’amitié affichée mutuelle. Macron vante la « start-up nation », même si son hôte, vétéran de l’arène politique, peine à l’incarner. Quant à celui-ci, il perçoit d’emblée la vivacité intellectuelle et la modernité de son interlocuteur quadragénaire, de même que son aspiration à une forme de leadership sur la scène internationale. Pour autant, les tensions aiguës survenues récemment sur l’échiquier Proche-Orient risquent de gâcher un peu la fête.

Sur le plan personnel, le courant passe. En juillet 2017, lorsque Netanyahu est convié à la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv, on se donne du « Bibi » et du « Emmanuel ». Et l’homme de l’Elysée comble son invité quand il assimile l’antisionisme à « une forme réinventée de l’antisémitisme ». Les divergences de fond refont surface lors de la deuxième rencontre, en décembre dernier. Paris réaffirme son attachement à la « solution à deux Etats », donc à l’instauration d’un Etat palestinien. En l’espèce, accompagné sur cette voie par son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, Emmanuel Macron reprend les grands classiques de la diplomatie française. Sa perception d’Israël n’obéit pas à un ressort intime ou à une conviction ancrée. Ce qui le distingue de ses prédécesseurs François Mitterrand, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy.

Rembobinons maintenant le film de l’Histoire. La France a-t-elle joué, dans les années 1950, un rôle décisif dans l’accession du jeune Etat d’Israël au rang de puissance nucléaire militaire ?

Sans l’ombre d’un doute. A partir de la crise de 1956 [déclenchée par la décision de l’Egyptien Gamal Abdel Nasser de nationaliser le canal de Suez], la France de Guy Mollet, alors président du Conseil, considère qu’elle doit non seulement accélérer son propre programme nucléaire, mais aussi aider le jeune Etat d’Israël à se doter de la bombe atomique. Déjà, entre le printemps et l’automne de cette année-là, elle fournit des dizaines de milliers de tonnes d’armements conventionnels. Le soldat de Tsahal porte un uniforme made in France, fume des cigarettes françaises et tire des munitions françaises. Quant au pilote de chasse, il est aux commandes d’un avion performant bien de chez nous, le Mirage. La coopération nucléaire fait l’objet fin 1956 d’un accord écrit, complété en août suivant, dont je révèle la teneur dans mon ouvrage. Elle permettra la construction du site de Dimona, dans le désert du Néguev, ainsi que d’une usine souterraine de fabrication de plutonium. Malgré les réticences de Charles de Gaulle, sinon à son insu, cette coopération se poursuivra secrètement jusqu’en 1963. Ainsi, Israël, qui accuse l’Iran de mentir sur ses ambitions en la matière, n’a cessé de mentir sur les siennes.

Dans quelles circonstances le Mossad [l’un des services de renseignement de l’Etat hébreu] contribue-t-il en 1961 à déjouer un projet d’attentat visant Charles de Gaulle ?

L’épisode survient quelques semaines avant le putsch avorté d’Alger [21 avril 1961]. Un officier français, membre de l’OAS, prend alors contact avec des agents israéliens et sollicite leur assistance. Il les prie de recruter et de manipuler un tueur arabe, qui serait chargé d’assassiner le Général. En contrepartie, Israël aurait droit, à titre gracieux, à tout un arsenal d’équipements militaires. Quoique complexe, le lien noué dès le printemps 1960 entre de Gaulle et le Premier ministre David Ben Gourion est si robuste que ce dernier, alerté par les chefs du Mossad, informe aussitôt Paris. Tuant ainsi le projet dans l’oeuf.

Quel fut le rôle des services israéliens dans la surveillance des filières de soutien au Front de libération nationale (FLN) algérien ?

Il s’agissait pour l’essentiel de procurer à la France des informations recueillies par les agents établis au Caire, base arrière d’un FLN choyé et soutenu activement par Nasser, l’ennemi commun. La coopération entre le Mossad et l’Aman (renseignement militaire) d’une part, et le SDECE (service extérieur) d’autre part, ira très loin. Décisive, elle porte par exemple sur le suivi de livraisons d’armes clandestines en Méditerranée ou sur la localisation de cadres du FLN.

Est-il exact que, plus récemment, des agents israéliens ont participé à la traque de djihadistes français opérant en Syrie et en Irak ?

Oui. Sur ce front-là, la coopération secrète entre les services couvre tout le spectre de l’antiterrorisme. Si la relation s’est rafraîchie à l’orée du troisième millénaire, du fait notamment de la liquidation, par le Mossad, de contacts palestiniens de la DST (contre-espionnage), elle s’est nettement réchauffée au fil de la décennie 2000. Et ce sous l’impulsion du trio que formaient Nicolas Sarkozy, Bernard Squarcini [patron de la DST puis de la Direction centrale du renseignement intérieur, ou DCRI] et Pierre Brochand [à la tête de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de 2002 à 2008]. Sous François Hollande, les attentats meurtriers de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, en janvier 2015, ont intensifié les échanges, notamment à l’initiative du chef du Mossad Yossi Cohen, ancien conseiller à la sécurité de Netanyahu. Là encore, ils sont alimentés par des dispositifs de surveillance électronique et par des sources humaines, reflets de la capacité d’infiltration des agents israéliens en Syrie, en Irak ou en Iran. Aujourd’hui, la Direction générale de la sécurité intérieure, ou DGSI, [qui a hérité en 2014 des attributions de la DCRI], ne peut pas se passer du Mossad. Ce qui d’ailleurs embête ses chefs…

Prononcée lors d’une conférence de presse fameuse, le 27 novembre 1967, la formule du général de Gaulle sur « le peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur » a suscité en Israël comme dans la communauté juive une intense amertume. Par qui ou par quoi a-t-elle été inspirée ?

Cette phrase ne doit rien au hasard. Elle boucle une longue phase de brouille, envenimée par la Guerre des Six-Jours et l’embargo sur les livraisons d’armes aux belligérants décrétée à Paris, au point de consacrer une forme de divorce. Le leadership israélien éprouve alors un vif sentiment de trahison, au point de se tourner résolument vers l’allié américain. En ce sens, la formule du Général revêt une importance historique. Sans doute reflète-t-elle l’impensé antisémite d’un fils de la droite catholique française la plus traditionnelle. Mais elle traduit aussi l’incompréhension qui, d’emblée, aura parasité la relation entre le héros de la France libre et Ben Gourion. En 1960, au détour d’un échange informel dans les jardins de l’Elysée, ce dernier fait part à son hôte de son ambition de doubler la population d’Israël. De Gaulle perçoit ce dessein comme l’aveu d’une volonté conquérante, voire expansionniste. Il ne se départira jamais d’un tel présupposé.

L’affaire des « vedettes de Cherbourg », survenue en décembre 1969, a elle aussi empoisonné un temps le dialogue. Ces bâtiments de guerre, acheminés clandestinement jusqu’à Haïfa par des agents israéliens au mépris de l’embargo en vigueur, l’ont-ils été avec la complicité, au moins tacite, des autorités françaises ?

La surprise fut totale et le courroux du Quai d’Orsay parfaitement authentique. Tout comme la colère de Georges Pompidou. Il y a certes eu complicité, mais à des échelons inférieurs. Le montage -grossier- ayant couvert « l’enlèvement » des vedettes, via l’irruption d’une société norvégienne fantoche, avait été présenté à la commission chargée de superviser l’exportation des matériels de guerre qui, étrangement, n’a rien trouvé à redire. Mieux, une note des Renseignements généraux, pondues l’avant-veille du jour J, détaillait le stratagème. Elle s’est perdue dans la torpeur de la trêve des confiseurs.

Autre épisode passé à la postérité, le « Do you want me to go back to my plane ? » d’un Jacques Chirac exaspéré par l’étouffante sollicitude des agents de sécurité israélien lors de sa visite au coeur de la Vieille Ville de Jérusalem, le 22 octobre 1996. Avec le recul, y voyez-vous un message au monde arabe ou un emportement sincère ?

L’emportement était à coup sûr sincère. Cela posé, l’accrochage a été magistralement orchestré par l’entourage du président qui, la veille, avait invité les journalistes couvrant la visite à ne pas manquer cette escapade. Il s’agissait pour le successeur de Mitterrand de redonner des couleurs à sa « politique arabe » et d’endosser le costume du mentor de Yasser Arafat, leader de l’OLP. Il va de soi que l’épisode n’aura rien fait pour améliorer les relations entre Chirac et Netanyahu, notoirement exécrables

Quel aura été, sous la Ve République, le président le plus israélophile ?

La palme revient sans conteste à Nicolas Sarkozy. Lequel affiche dès 2002 des positions très favorables aux thèses israéliennes, voire sionistes, et affiche son empathie envers le peuple juif. Pour autant, l’amitié un rien ostentatoire qui le lie à Netanyahu pâtira du peu de cas que « Bibi » fait de la prétention française de peser sur le règlement de l’imbroglio proche-oriental. Dans ce palmarès, François Mitterrand suit « Sarko » de près. Mais sur un registre plus intellectuel et plus construit, du fait de la profondeur de sa culture hébraïque. A ses yeux, il revenait à la France, en vertu d’une forme de symétrie, de contribuer à l’émergence d’un Etat palestinien après avoir aidé l’Etat juif à naître.

Ariel Sharon puis Benyamin Netanyahu ont l’un et l’autre, au détour de visites en France, enjoint aux Juifs qui y vivent, exposés selon eux au déchaînement de l’antisémite, de faire leur alya ; en clair, de « monter » vers Israël. Cet appel a-t-il été entendu ?

En partie au moins. On observe au début de la décennie 2000, alors que se multiplient les actes d’antisémitisme, une intensification du phénomène : 2000 à 3000 départs chaque année au lieu d’environ un millier jusqu’alors. Mais la vraie vague survient à partir de 2012, au lendemain du carnage de l’école juive de Toulouse, perpétré par Mohammed Merah. Avec un pic à 8000 candidats au « retour » en 2015. L’exploitation politique que fait Netanyahu du désarroi de la communauté suscitera un profond malaise chez les officiels français. A commencer par François Hollande, « baladé » par « Bibi ». [Associé le 1er novembre 2012 à Toulouse à une cérémonie d’hommage aux victimes du terrorisme, celui-ci improvise un quasi-meeting, et ce à quelques mois d’un scrutin législatif anticipé en Israël].

Le scénario d’une coexistence apaisée entre Israël et un Etat palestinien digne de ce nom a-t-il encore la moindre chance de devenir réalité ?

Il y a lieu d’en douter, en tout cas à brève échéance. Mais les formules alternatives sont tellement irréalistes ou conflictuelles qu’on finira bien par y parvenir, pour peu que la communauté internationale s’investisse sérieusement. La France ne reniera pas le dogme de la solution à deux Etats. Mais sa capacité d’influence s’avère tellement modeste qu’elle est condamnée au suivisme, sinon à l’accompagnement thérapeutique.

 

 

 

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