14
Jan
2020
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Amiral Lacoste: un ancien patron de la DGSE qui assumait son rôle

L’amiral Pierre Lacoste s’est éteint le 13 janvier 2020, à Paris, où il était né en janvier 1924. Sa carrière d’officier de Marine l’avait conduit à assumer la fonction de directeur de la DGSE de 1982 à 1985. Il avait été victime du fiasco du sabotage du Rainbow Warrior par des agents de son service en juillet 1985 et des mensonges et lâchages des politiques. Il avait lui-même gardé le silence et protégé des agents qui n’étaient pas encore sortis de la région du Pacifique où ils étaient partis en mission, sur ordre de leurs supérieurs. C’était un homme droit et un homme d’honneur, qui assumait ses fonctions jusqu’au bout, quitte à devoir démissionner après avoir avancé publiquement une version qui devenait intenable .« Il le fallait, pour aider ceux qui avaient agi sous mes ordres et ceux qui étaient encore dans la zone » m’a -t-il confié un jour de 2012.

J’ai eu le privilège de pouvoir m’entretenir plusieurs fois avec l’amiral Lacoste, au sujet de ses anciennes responsabilités à la DGSE. A chaque fois, en 2012, en 2014 et en 2016, il avait accepté de me parler librement de ses souvenirs, de la complexité des hommes politiques, des difficiles décisions qu’il avait eu à prendre à la tête des services. Il avait témoigné notamment de la décision prise par François Mitterrand de venger l’attentat du Drakkar, qui avait tué 58 soldats au Liban en octobre 1983. Le président avait donné pour consigne au directeur de la DGSE de commettre un contre-attentat pour détruire l’ambassade d’Iran à Beyrouth, l’Iran étant considérée par l’Elysée comme le commanditaire de l’attentat du Drakkar. Voici ces propos:

 Le président était bouleversé par ce drame. Il a dit qu’il fallait réagir. En fait, l’intention était bien de venger le Drakkar. Dès le début, j’ai eu la certitude que les Iraniens étaient responsables, et je voulais leur donner un coup d’arrêt. Il fallait frapper fort. La riposte consistait à organiser un attentat contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth. J’ai proposé le mode d’action, qui a été étudié et mis au point avec le chef du SA. Je suis allé voir Mitterrand à l’Élysée, et il a approuvé le principe, sans que j’entre dans le détail, car il ne le souhaitait pas » Nom de code de l’assaut : opération Santé.

Mais l’opération menée par le service action une nuit de novembre 1983 devait échouer. Longtemps, l’amiral Lacoste n’a pas su les raisons exactes de cet échec. Plusieurs anciens membres du commando du SA ont fini par m’expliquer en détail quelle erreur humaine avait été commise cette nuit-là (voir le récit dans mon livre « Les tueurs de la République » et dans le film éponyme, où l’amiral Lacoste témoignait en 2016), ce qui a permis à l’ancien patron de le DGSE de connaître le fin mot de cette histoire.

Cet échec à Beyrouth a précédé celui d’Auckland, comme un symptôme précurseur de failles dans le fonctionnement de la DGSE, que l’amiral Lacoste n’avait pu réparer à temps. « Les agents du service ne me disaient pas tout », me confia-t-il.

 

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