27
Mar
2018
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Rise and kill first: une histoire des assassinats ciblés israéliens

« Depuis la Deuxième guerre mondiale, Israël a assassiné plus de personnes qu’aucun pays occidental« . Celui qui écrit cela n’est pas un anti-israélien militant, mais au contraire un journaliste israélien réputé: Ronen Bergman, qui travaille sur les sujets militaires et de renseignement pour le grand quotidien Yedioth Ahronoth et contribue également au New York Times Magazine. Malgré la censure et les obstacles, cet expert a pu côtoyer, rencontrer, interviewer la plupart des dirigeants israéliens, des responsables des services secrets israéliens (le très connu Mossad, mais aussi le Shin Bet (renseignement intérieur), l’Aman, le service de renseignement militaire, et les autres), des agents de terrain qui ont mené les opérations.

Il nous livre le fruit de son enquête dans un véritable pavé, bourré de révélations, titré « Rise et kill first, the secret history of Israel’s Targeted assassinations » (Random House), qui vient de paraître aux Etats-Unis et en Europe. Ce livre de 780 pages est passionnant d’un bout à l’autre, parce qu’il raconte, dans le détail, l’ensemble des opérations qui ont conduit Israel, avant même sa création, à tuer, se venger, se protéger, se prémunir, frapper tous ses ennemis présumés, qu’ils soient arabes, palestiniens, égyptiens, jordaniens, irakiens, iraniens…

D’une certaine façon, à la lecture du livre très précis de Bergman, on se rend compte à quel point certains assassinats ont pu changer le cours de l’histoire, à quel point Israel a porté cette pratique à une échelle inédite, principalement après le début de la seconde Intifada (septembre 2000) en réponse à des attentats kamikazes, à quel point surtout cette pratique soulève des questions éthiques, légales, et d’efficacité, que l’auteur ne sous-estime pas, au contraire.

Car la sophistication inouïe des traques, la diversité des moyens employés (poisons, bombes, drones, etc), et l’expérience israélienne de ce type d’assassinats ciblés n’a jamais évité les drames, les erreurs (qu’on se souvienne du pauvre serveur de café marocain assassiné par erreur à Lillehammer après l’attentat contre les JO de Munich, parce qu’il ressemblait à un des chefs d’orchestre de Septembre noir, l’organisation palestinienne qui avait organisé la prise d’otages de Munich). Et si ces opérations ont ralenti, désorganisé ou décapité provisoirement des organisations jugées ennemies d’Israël, elles n’ont jamais permis de remporter des guerres, ni résolu les problèmes politiques des dirigeants israéliens face aux enjeux régionaux. Elles ne constituent qu’une arme, avec des risques de surenchères et de réactions, y compris plus radicales des ennemis. « Il est difficile de prédire ce que l’histoire réserve après qu’une personne ait reçu une balle dans la tête », écrit Bergman, en décrivant l’évolution de l’OLP qui a suivi l’assassinat d’un de ses leaders, Abou Jihad, à Tunis en 1988. C’est la face cachée de cette politique d’assassinat ciblés que raconte ce livre, avec ces heures sombres, ses « succès » et ses impasses, notamment la traque permanente d’un certain Yasser Arafat, le leader palestinien, dont de nombreux dirigeants israéliens voulaient la peau… sans avoir pu y parvenir

En écrivant en 2015 « Les tueurs de la République, assassinats et opérations spéciales des services secrets », (Fayard) je tentais de raconter, pour ma part, l’histoire des ces opérations menées par la France, qui ont bien existé et se sont amplifiées ces dernières années, en se fondant justement en partie sur « l’expérience » israélienne.

Cette politique secrète d’assassinats est moins établie et à moins grande échelle que celle d’Israël ou celle des Etats-Unis depuis les années Bush, mais elle a pris la tournure de véritables « vengeances d’Etat » et de frappes ciblées qui suivent le même cours. Avec les mêmes risques d’engrenages.

Dans mon prochain livre, qui porte sur l’histoire secrète des relations franco-israéliennes au plus haut niveau de 1948 à 2018, (à paraitre le 26 avril 2018 chez LLL), j’aborde à nouveau certains aspects des pratiques israéliennes, je révèle quelques éléments nouveaux sur Arafat qui font écho au livre de Bergman, et je décris la coopération secrète entre la France et Israël dans la lutte contre le terrorisme.

 

ajout du 2/7/2018/ 

Un intéressant article du Times of Israel (à lire ici) compare les stratégies d’assassinats ciblés en Israël et en France, citant le livre de Bergman et le mien.

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