2 documentaire de 52′ écrits et réalisés par Vincent Nouzille (2017), adaptés du livre « Les Tueurs de la République » (Fayard, 2015). Produit par Ligne de Front. Première diffusion le 26 mars 2017 à 20h50 sur Planète +
1 documentaire de 52′ coécrit par Vincent Nouzille et réalisé par Damien Fleurette (2023). Produit par Ligne de Front. Première diffusion le 31 mars 2023 à 20h50 sur Canal + Doc
Comment nos présidents ont délivré des « permis de tuer » dans la lutte contre le terrorisme.
VENGEANCES D’ÉTAT (épisode 1)
La France n’a jamais eu la réputation d’appliquer la loi du Talion, comme le font Israël ou les Etats-Unis. Mais, en réalité, dans le plus grand secret, nos présidents de la République ont parfois décidé de représailles violentes contre des auteurs d’attentats commis contre des Français. Ils ont donné des consignes à des « tueurs de la République », des agents secrets du Service Action, le bras armé de la DGSE. Certaines de ces opérations ont échoué, d’autres ont réussi. La plupart sont demeurées secrètes. Et les présidents ont parfois hésité sur la conduite à tenir.
La traque du terroriste Carlos a par exemple donné lieu à des consignes différentes, par les présidentw Giscard d’Estaing et Mitterrand. Fallait-il le capturer ou le tuer ? Malgré son image plutôt pacifique, François Mitterrand était, en fait, partisan des répliques les plus dures. Il a secrètement approuvé des opérations Homo (pour homicides) après l’assassinat de l’ambassadeur Delamare au Liban en 1981 et il a commandité des ripostes sanglantes après l’attentat contre l’immeuble du Drakkar en 1983, autant d’opérations que ce film raconte dans le détail.
Jacques Chirac était beaucoup plus prudent concernant les vengeances d’Etat, ce qui n’a pas empêché les services de renseignement de demander aux Algériens de venger la mort des moines de Tibhirine en 1996. Plus décidé, Nicolas Sarkozy a ordonné que l’on neutralise tous les auteurs de l’embuscade d’Uzbin qui a tué 10 soldats français en Afghanistan en 2008. Et son successeur François Hollande, plus implacable que tous ses prédécesseurs, a érigé la vengeance en véritable principe. Il a notamment demandé à la DGSE que les responsables de la mort d’agents français en Somalie en 2013 soient « neutralisés ». Et l’ordre a été exécuté. La vengeance d’Etat est devenue systématique.
Tueurs de la République Vengeances d’Etat/ Extrait 1/Planète + from Vincent Nouzille on Vimeo.
FRAPPES CIBLÉES (épisode 2)
Les assassinats ciblés font partie des opérations les plus clandestines de nos services secrets. Pas seulement pour se venger. Mais pour éliminer de manière préventive des ennemis présumés de la France, avant même qu’ils ne nous frappent. C’est pendant la guerre d’Algérie que le Service Action a constitué ses équipes de « tueurs de la République », avec des ordres venus de l’Elysée. Ils ont ensuite continué d’opérer dans le plus grand secret, notamment pour neutraliser des ennemis et ont même voulu tuer le chef d’Etat libyen, Mouammar Kadhafi, sans y parvenir.
Après le scandale du Rainbow Warrior en 1985 qui a déstabilisé la DGSE, celle-ci a constitué une cellule encore plus clandestine de tueurs, baptisée la cellule Alpha, qui a opéré pour le compte du président Mitterrand. Jacques Chirac, lui, s’est opposé à toute politique d’assassinats ciblés, même lorsque les Américains le lui ont demandé après les attentats du 11 septembre 2001.
En revanche, ces opérations ont changé de nature et d’échelle à partir de 2008-2010 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy. Avec la montée de la menace terroriste, la DGSE ne suffisait plus. Le chef de l’Etat a décidé d’employer désormais des moyens militaires plus offensifs et plus visibles, notamment les forces spéciales, pour mener des raids lors de prises d’otages et traquer des « cibles de haute valeur » pour les éliminer.
Suivant comme Nicolas Sarkozy les méthodes américaines, François Hollande s’est transformé en chef de guerre clandestine en 2013 au Sahel, donnant des consignes « d’éradication » et des ordres d’exécutions visant plusieurs dizaines de chefs terroristes. Il a franchi une étape supplémentaire en 2015 en commençant à cibler délibérément des djihadistes français partis en Syrie. Il demande de plus en plus souvent aux Américains de se servir de leurs drones armés pour nous aider à atteindre ces objectifs. Avec les risques d’engrenages.
COUP POUR COUP (épisode 3)
Depuis les attentats de 2015, que ce soit sous François Hollande ou Emmanuel Macron, la France réplique coup pour coup, et ne s’en cache presque plus, revendiquant parfois des victoires et la chasse aux grands chefs djihadistes, désormais avec l’aide de drones armés. En traquant les commanditaires du 13 novembre jusqu’en Syrie. En éliminant un par un les assassins de Français à l’étranger, comme quatre des dix suspects dans l’enlèvement et le meurtre de deux journaliste de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, tués à Kidal le 2 novembre 2013. Mais au risque que les enquêtes judiciaires ne puissent établir la vérité. La logique militaire de la guerre contre le terrorisme prend souvent le pas sur le besoin de justice.